La Fracture

Messages : 59 Date d'inscription : 06/01/2010

Spoiler:

Adossée à la paroi de la station, jambes croisées et le regard perdu dans l’immensité, Joanne s’isolait à son environnement. Le bruit de la station, de son marché, les cris de ses vendeurs, le bourdonnement des cuisines ; rien ne touchait la jeune femme, qui à son habitude, délaissait ses pensées errer dans les méandres de son souvenir. Et toujours cette même mélodie qui venait la hanter. Les échoppes disparaissaient lentement, la foule se dissipait dans l’air comme des graines balayées par les vents de Naboo, le sol sans vie était remplacé par une herbe verte. Le paysage changeait et elle s’y laissait happer, rêveusement. Lorsqu’elle ouvrit les yeux, autour d’elle ne se trouvait que des plaines verdoyantes, avec ici et là des pierres, assurément des têtes de statues anciennes. Mue par une pulsion et de façon intuitive, elle sourit, d’un sourire de bonheur simple, de vrai bonheur. Le vent comme une caresse lui effleurait le visage et faisait voler ses cheveux. La fraîcheur de l’air la parcourait, et il lui semblait porter des ailes en elle-même. Coronet n’était plus Coronet, mais un paysage comme ceux qu’elle avait survolé sur Naboo. La vision que Joanne avait se stabilisait à peine qu’un nouveau coup de vent eut vite fait de changer la scène.

La plaine devint une grande salle éclairée par de beaux lustres au halo bleu lagon ; alors que les murs qui apparurent, étaient blancs, aux rebords cuivrés. Les fenêtres, vastes, hautes et larges, laissaient passer un double rayon des lunes. D’eux, s’extirpèrent sous le regard incrédule de la jeune femme, des couples de danseurs, qui tournoyaient au contact du sol. Et cette musique, toujours plus forte, plus belle, entrainante parachevait sa vision. Exaltée par ce rêve, Joanne tournait sur elle-même, de plus en plus vite, riant, pour saisir chaque mouvement de ces couples aériens, que rien ne semblait déranger… Même pas elle. Le tournoiement se ralenti, jusqu’à l’arrêt complet, les bras se baissèrent, et elle contemplait les danseurs. Sans visage. Aucun d’entre eux n’avait de visage, et dansait, la tête tournée vers l’extérieur. Et Joanne, elle, dansait seule, encore.

Toute la chaleur disparue, les fantômes d’invités s’évanouirent dans l’air comme des flammes mourantes, et elle était seule, à nouveau, dans cette salle qui n’avait plus rien de beau, de chaleureux. Simplement creuse. Ce qui était gaité, devint une profonde et indicible tristesse, sans qu’elle ne pu la contrôler. Son corps était lourd, si lourd, qu’elle se laissa tomber sur les fesses, cuisses au sol, genoux vers l’intérieur, mains sur les cuisses. Ses joues lui brulaient d’envie de pleurer, mais comme la peur bloque le cri, la peine serrait ses larmes. Et la mélodie s’estompait, ralentissait, au même titre que la doucereuse émotion qui l’avait gagné plus tôt.

La salle redevint la station, les murs des parois métalliques, l’air chaud, empli d’odeurs divers et peurs reluisantes. Joanne sentait à nouveau son corps. Il n’avait pas bougé. Elle était encore dans sa position initiale. Rien n’avait bougé, n’avait changé. Le temps avait juste passé. Elle prit en compte son regard, stoïque, dans le vide, le visage absent, comme un mannequin.

Une larme s’échappa de son œil pour gagner la plaque de métal. Enfin.

A des parsecs de là, il se réveilla. Toujours ce même rêve. Cette femme. Cette tristesse.